Turbulence

"Il y a tant d'aurores qui n'ont pas encore luit"

Dimanche 27 février 2011 à 18:33

C’est ma première femme. Quand nos doigts s’emmêlent, je tremble. J’ai les organes en feuilles d’automne. Les cafés, les chemins partagés, tout a un aspect de déjà vu surimprimé d’angoisse. Elle raconte sa vie, je l’écoute en suivant les bourrasques de ses boucles, jusqu’au cou, les courbes des épaules qui continuent sous sa chemise. Chaque fois qu’on se retrouve, elle prend plus de place. Puis elle m’appelle, me pèse au quotidien.

Dès ma prime enfance, je pensais aux filles.  Je languissais pour les garçons féminins, et me trouvait bouleversée chaque fois qu’ils s’avéraient être des femmes. Comme si ce n’était qu’un jeu de dupe. J’avais rencontré des personnes ambigües, je n’avais jamais mis en doute ma normalité. C’étaient des goûts un peu spéciaux, parfois erronés. Tout le monde se trompe, occasionnellement.

Elle, c’était la première.  Le temps avait coulé sous les ponts, les barrières s’étaient ébréchées. Longtemps dans mes nuits se dessinaient les courbes de celles qui me faisaient douter, qui m’avaient avoué des choses à demi-mots. C’était mon plus grand fantasme, et, c’était là que je me saisissais.

Chez elle, nos tissus en vrac, j’ai eu la révélation. Comme ça, au moment où je lui donnais du plaisir : par inadvertance. C’était ça mon rêve ? Cette blonde inhumaine, criant et agrippant mon corps ? Je n’aimais pas cette femme. Un automate m’aurait fait plus d’effet.

Je sortis vite et pris un café, quelques stations de métro plus tard. La tête entre les mains, je dessinais des arabesques dans ma tête. Alors je serais aussi une femme perturbée dans cette orientation là. J’ai haï chaque homme fréquenté. Cette femme m’a jeté un tel froid au cœur. Le serveur  apporte un grand verre de citronnade avec des glaçons qui cliquètent au rythme du pas.

« Ce n’était pas la bonne, une fois de plus, c’est tout ! 

- Et comment tu expliques ça ? Je suis rentrée en courant, à m’en tuer les jambes, en criant, et j’ai pleuré longtemps. Je ne voulais plus sortir. Comme à chaque désillusion, je ne vois d’autre exil que : dormir, m’étendre dans la pièce, et tout assombrir. Ne plus jamais répondre au téléphone.

- Une fois de plus, te revoilà dehors. Ce n’était pas la bonne, voilà. »


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Samedi 5 février 2011 à 13:01

 Les étages sont embués de liquide et d’opium. La moquette patauge sur les corps endormis, qui enlacent leurs peaux rouges à des maigreurs dénudées.

Elle monte. Offensée, dans ce monde qui lui est habituel, dans son ordre et ses petites manières.

Le tabac encore fumant s’écrase ça et là, un nombre improbable de verres remplis et de verres vides occupent l’espace. Du verre brisé et des amours éthyliques.

Elle monte. Décidée à voir, ce qu’on en a fait, ces années accumulées ici.

Les couples remuant, les canapés imbibés, les corps et les choses s’emboitent. Un tableau est crevé, sur lui un sceau de rouge pour lèvres et quelques mouches.

Elle monte. Et ses yeux, et ses mains, dans sa tête, la colère tremble.

A l’étage suivant, un garçon bave sur le tapis, endormi à même le sol. Un petit tas de quelque chose brûlé sur la table. De l’argent qui sort de la poche d’une fille.

Elle monte.

La maison est une dentition cariée. Ceux qui la peuplent s’en nourrissent, elle les absorbe.

Elle monte.

Mais jusqu’aux toitures il y aura des corps.

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