Turbulence

"Il y a tant d'aurores qui n'ont pas encore luit"

Samedi 15 janvier 2011 à 15:16

 Je voudrais bien que mon apparence dise: voilà, ça, c'est moi. Qu'entre les études, les transports et la vie tourmentée, je me donne du temps pour me ressembler. J'aime les écrans de fumée, les totems et les voyages initiatiques, j'aime la spiritualité que je ne trouve pas, les voiles au fenêtres, les habits d'un autre temps, j'assume mes idées bizarres, je les dis aux autres, j'essaye de trouver qui je suis. Je cherche à me donner toujours exactement. Je voudrais pourtant être initiée, connaître les rituels modernes, pouvoir plonger doucement ma main en moi, donner ce que j'ai à donner, et avoir l'impression que ma vie est toujours là où elle devrait être. 
Vous connaissez un moyen de vous ressembler plus que ça ? Je me sens déplacée, c'est comme si au fond, je n'avais pas le cran, le cran d'arrêt. Je persiste à m'habiller pour plaire, non pour me dire, je refuse les oripeaux excentriques, je tais mes passions parce que je ne veux pas "avoir l'air de". Mon plus grand fantasme, mais alors, encore plus grand que la fille dont je parle tout le temps, c'est de pouvoir découvrir quelque chose où je ne me sentirais pas en retrait, vivre un moment sans recul, dans le pur présent. Les vrais voyages initiatiques, les miens sont tous urbains (dans ma tête, je dis "mes utopies urbaines"; et pour parler de mon milieu social je dis "l'utopie populaire").

Vous comprenez ? Je me sens comme une imposteur, plus les jours suivent les jours, plus je suis loin de moi face aux autres. (C'est peut-être parce que j'écris ?)

http://turbulence.cowblog.fr/images/Bael.jpgLui, c'est le dieu Bael, ou Baâl. J'ai supprimé mon article précédent parce qu'il était grave pompeux: trahison, les mots bidons avaient tu la perte de mon identité réelle, ça ressemblait à de la fiction métaphysique bas de gamme. Gloups.

Jeudi 13 janvier 2011 à 22:21

http://turbulence.cowblog.fr/images/JanisJoplin.jpg Janis

La fille est malade, absente, disparue. L'obsession de mes nuits et jours. Je dévore constamment les petits objets qu'elle m'a prêté, désinvolte. Ses brûlures sont mes armes. J'ai passé la journée, du coup, d'une humeur exécrable. 
Les Marcheurs sont revenus hanter mes nuits. J'imagine ces filiformes, leur glissement, ils passent chaque jour près de ma fenêtre quand je travaille. Images du monde moderne, ré-âmés. Mes pénates de location: le bureau, la petite pièce, la vue sur les routes, pour quelques mois encore.


Mardi 11 janvier 2011 à 22:28

 http://turbulence.cowblog.fr/images/800pxHysteria.jpg



- Non, en fait je me demandais... Pourquoi tu la poursuis ?
- Nos liens sont sans attaches.
- Elle t'a prêté sa bague ?
- Je lui ai dérobé en m'excusant. Elle s'en fiche.
- Elle sait comme tu psychotes sur elle ?
- ...
- Une bague verte. Quelle idée. Tu la mettras sur ton autel, avec toutes les choses d'elle que tu as encore ?
- Jamais. Nos liens sont sans attaches.

Lundi 10 janvier 2011 à 19:01

 Le mythe A.

"Son visage porte les séquelles du vice et de la laideur. Elle est déformée par l’huile de la lampe, trop abondamment consumée. Je l’imagine au milieu de la paperasse, faisant couler la cire des bougies innombrables sur ses mains, dessinant des souffrances, brûlant la peau. Ses mains deviennent écorces, la cire n’est plus enveloppe mais peau.
Elle prononce des incantations, elle fait couler de l’huile brulante sur son visage, elle se déforme, elle danse des danses macabres en voilant sa fenêtre, elle grimace plus qu’elle ne souris, et porte des habits d’un autre temps.

Je jouis souvent en pensant à elle, parce qu’elle m’horrifie aussi bien qu’elle m’exaspère, je la sens en moi comme la femme traumatique, toutes les femmes, celle qui à elle seule peut combler ce penchant. Rien qu’embrasser son visage disgracieux, lécher ses lèvres pour en tirer une sève. Elle est sexuelle sans le savoir, touche mon point sensible, tranche et se lit dans mes viscères, comme la médium bon marché qui dit notre vie de feuilles de thé, je la porte non pas comme mon avenir, mais comme mon destin, ma fatalité, bien profond, enfoui, insaisissable dans ce labyrinthe des tripes et d’organes, je la porte."

J'écrivais ça il y a quelque temps. Maintenant c'est pire. Mes hallucinations ont redoublé, elle apparaît, fugitive, au détour de tous mes chemins. Je conduisais, et chaque fois j'avais l'impression qu'elle se trouvait au milieu de ma route. Sa main se posait sur ma main. Mais je suis seule, et je la tue dans chaque rêve. Son corps me brûle.

http://turbulence.cowblog.fr/images/773pxJohannHeinrichFussli014.jpg Mes délires de succubes. Je crois que ce tableau est de Fussli.

Dimanche 9 janvier 2011 à 23:25

 Il faut classer la vie comme les boites du grenier. Il faut commencer à écrire en disant: voilà, ici, je vais parler de moi, sans jamais dire ma vie vraiment, je vais vous dire le monde à travers moi, mes emportements, mes désespérances.

Le garçon effaré m'a dit: mais c'était décevant, le voyage en Ecosse ? Le voyage. Comme si ce n'était ni tout à fait le mien, ni tout à fait extérieur à lui, en un mot il mythifiait la chose. Ce n'était plus mon évasion déçue, ma fascination face à des villes et des campagnes chaque fois plus exacerbées, déprimantes par leur bouillonnement, vivantes de tout leur médiéval. Le voyage, c'était ce dont j'avais parlé, mes projections, mes racontars sur le retour, c'était une idée spéciale du voyage, qu'ils avaient tous vu à travers moi.

Je ne peux pas parler de ce voyage parce que je suis restée là-bas, autant que j'y ai abandonné mon amie. Elle m'a tuée là-bas. L'Ecosse c'était la vie, elle et moi c'était tout sauf la vie. Alors le voyage a fini elle et moi. Je suis morte en Ecosse. Sauf ce germe en moi. Ce grain. Cette envie folle, cet espoir, ce qui me secoue les tripes, me pend au cou, et entraîne mon corps. Cette vie qui pique, qui pétille, qui explose ! Ce bond, cette implosion. Ce cri. 
En fait, tu m’as brisée. Tu as tué le morne en moi. Je suis un cri, toute entière. Je suis la vie. Tu as été la germination de ma folie et de mon envie de vivre.
Si l’on ouvrait mon ventre, là telle que je suis, d’un coup de poignard, de haut en bas, « éventrer », purement, il n’en sortirait que de la lumière. Eclatante. Je bous de vivre. Toujours plus. Dégrafer les liens. Et courir jusqu’à rejoindre cette magie première, hurler et courir pour nouer à moi la vie. 

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